Le GroupeExercice 2019-2020
Retour sur l’exercice 2019-2020
Quand la crise sanitaire vient démontrer la bonne résilience du modèle Cavac
Entretien croisé avec Jérôme Calleau, président & Jacques Bourgeais, directeur général
LE TSUNAMI COVID-19…
Jérôme Calleau (JC) : Le monde entier retiendra de 2020 la crise Covid-19 et ses multiples conséquences : sanitaires bien sûr mais tout autant, économiques et sociologiques… À l’heure où ces quelques lignes sont écrites, c’est encore ce contexte anxiogène qui perdure et fait la une de l’actualité.
Il est de nombreux métiers et secteurs d’activité pour lesquels la crise sanitaire a eu et a, des conséquences incroyablement négatives. Disons que le monde agricole et agroalimentaire traverse plutôt mieux cette crise, parce que l’alimentation constitue un besoin vital et qui le restera.
L’exercice agricole 2019-2020 aura été davantage influencé par les conditions météo, qu’il ne l’aura été par la crise Covid-19. Laquelle n’est venue qu’accentuer certaines fragilités préexistantes.
On retiendra tout d’abord de cet exercice une très bonne récolte 2019, notamment celle d’été, record. Elle a contribué à ce que la coopérative dégage de bons résultats et elle a permis aussi d’améliorer le niveau moyen des trésoreries sur les exploitations. S’agissant de la collecte, nous observons vraiment une situation en montagnes russes : de mauvais rendements en 2018, très bons en 2019 et franchement catastrophiques sur l’été 2020… Ainsi va la vie en agriculture, toujours faite de beaucoup d’incertitudes. Mieux vaut savoir être prévoyant et en mettre de côté les bonnes années !
En productions animales le canard est sur la première marche des filières en difficultés. C’est même violent. Ça a démarré bien avant la Covid-19 mais la crise sanitaire n’a rien arrangé, compte-tenu notamment de la baisse de consommation en restauration. Toutes les espèces un peu plus festives s’en trouvent d’ailleurs fragilisées.
Le secteur de la viande bovine est également bien malmené. Là aussi, la situation n’est pas fondamentalement nouvelle mais les déséquilibres matière générés par la crise Covid-19 et la mévente sur les pays du pourtour méditerranéen, gros consommateur de jeunes bovins, sont autant de facteurs aggravants.
IL Y A EN EFFET BIEN D’AUTRES FACTEURS D’INQUIÉTUDE QUE LA COVID-19, EN AGRICULTURE…
JC : C’est exact. Bien d’autres facteurs d’inquiétude… Si la crise Covid-19 a pris le dessus dans les médias, la stigmatisation de certaines pratiques agricoles continue.
La pression sociale et médiatique reste énorme pour réclamer de produire sans substances chimiques. Avec une vision souvent simpliste des solutions : passer tout au Bio ou à la permaculture… À court-terme sur ce sujet, la séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires compte parmi les dossiers complexes que vont avoir à gérer les coopératives et les négoces à compter de 2021. Et la mesure va encore se traduire par des surcoûts et des complexités supplémentaires sur les exploitations…
Les activistes de la cause animale ne relâchent pas la pression non plus, à grand renfort d’images choc qui tendraient à insinuer que tous les animaux sont maltraités.
Il est peu de métiers où l’on reçoive tant de leçons, sans jamais considérer le rôle des agriculteurs dans sa globalité. Car exerçant un métier essentiel, physique et compliqué, les agriculteurs ont pourtant besoin d’un soutien à grande échelle. À défaut de les protéger des aléas climatiques qui peuvent ruiner des mois de travail en quelques heures, cela leur apporterait peut-être un peu de cette sérénité qui leur fait si cruellement défaut aujourd’hui. Car l’un des principaux défis de l’agriculture est d’assurer la relève des générations et notamment dans le secteur de l’élevage.
QUE DIRE DES RÉSULTATS DE LA COOPÉRATIVE ET DU GROUPE ?
Jacques Bourgeais (JB) : Comme cela a été indiqué en amont, la bonne récolte 2019 (collecte de céréales mais également récolte de productions végétales spécialisées) a bien aidé. Et le contexte de prix de matières premières stable et plutôt bas sur l’exercice écoulé a permis de reconstituer des marges normales en nutrition animale, là où elles avaient été mises à mal l’année d’avant.
Mais les très bonnes nouvelles sont davantage à chercher du côté des filiales du groupe. Bioporc dont l’exploitation s’était révélée compliquée sur 18-19 a pu sortir la tête de l’eau début 2020. VSN a pu capitaliser sur la très bonne récolte 2019 comme la coopérative et a dégagé une très belle rentabilité. Et puis déjà bien orientées, certaines filiales comme Cavac Distribution (Gamm vert & Agrivillage, avec un niveau d’activité record), Biofournil (pain Bio) et même Atlantique Alimentaire à La Rochelle ont tiré profit de la période de confinement pour améliorer leurs performances.
Le résultat consolidé arrêté très prudemment ressort à 7,5 millions d’euros avec une capacité d’autofinancement de 26 millions d’euros. C’est la meilleure performance de l’histoire pour Cavac. Les fonds propres consolidés progressent de 10 millions d’euros pour dépasser les 120 millions d’euros .
LE GROUPE A VISIBLEMENT CONTINUÉ À SE DÉVELOPPER VIA UNE POLITIQUE D’INVESTISSEMENTS SOUTENUE…
JB : Oui, 2019-2020 fut une année de forts investissements. Au-delà des renouvellements plus classiques, deux dossiers ont mobilisé une grosse partie de l’enveloppe : la construction à Fougeré (85), d’une usine neuve et ultra-moderne spécialisée en nutrition animale Bio (environ 10 millions d’euros d’investissement au total) et le doublement des capacités de production de Biofournil avec là-aussi, l’implantation d’une ligne ultra-moderne (environ 13 millions d’euros d’investissement au total).
L’exercice 2020-2021 va voir cette enveloppe d’investissements se réduire. Ce qui tombe à point nommé car la conjoncture est un peu plus tendue au regard de la mauvaise récolte d’été 2020 et des tensions persistantes sur certaines productions animales.
VISIBLEMENT CAVAC PEUT SE PRÉVALOIR D’UN MODÈLE QUI RÉSISTE PLUTÔT BIEN…
JC : Il est certain que la période Covid-19 a permis de faire, de façon inattendue, un test grandeur nature de la résilience de notre modèle. Et nous avons bien réussi cet examen. Nous avons eu la chance de « cocher plutôt les bonnes cases ». Indéniablement la polyvalence reste un facteur associé à cette bonne résilience.
Nous ne sommes pas tributaires d’une activité en particulier et il est bien rare que tout évolue dans le même sens, bon ou mauvais. Et puis compte tenu de notre positionnement sur des PME régionales de taille modeste et métiers de niche, nos diversifications nous rendent moins exposés que nous ne le serions, en présence d’une grosse branche d’activité ultra dominante.
Ainsi une mauvaise collecte d’été ne préjuge en rien de la collecte d‘automne et réciproquement. Les productions animales que nous couvrons sur tout leur large spectre, renvoient à des marchés tellement différents selon les espèces, que certaines peuvent être « au fond du trou » lorsque d’autres traversent des périodes plus favorables.
Nos activités agroindustrielles et agroalimentaires s’adressent à des marchés très diversifiés et plutôt bien équilibrés : grande distribution, réseaux spécialisés (notamment Bio), restauration hors domicile, un peu d’export. Là aussi -et la période de confinement l’a démontré-, des compensations se sont opérées. La forte baisse d’activité de la restauration a profité aux réseaux spécialisés et à la GMS. Cette posture qui est la nôtre, de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier, restera toujours un atout.
LA PÉRIODE DE CONFINEMENT A MODIFIÉ LES COMPORTEMENTS. QUOI EN PENSER POUR L’AVENIR ?
JC : Il est difficile de mesurer ce qu’il en restera. Ce fut certainement un moment idéal pour chercher à relégitimer l’agriculture et rappeler que, sans agriculteurs et sans entreprises agroalimentaires pour transformer les produits, les rayons alimentation des magasins pourraient vite se retrouver vides…
Les consommateurs ont découvert aussi pour certains, des nouveaux magasins (les petits magasins de proximité) ou bien des gammes de produits qu’ils ne connaissaient pas. De cela, il en reste et il en restera quand même quelque chose.
De ce point de vue-là, les initiatives du groupe allant dans le sens du développement des filières qualité, du Bio, du commerce équitable (Agri-Éthique), des produits locaux ou à forte identité régionale (la bière La Coopine, le concept d’épicerie en ligne Coopcorico), les actions en faveur du bien-être animal ou sur un autre registre de la biodiversité, le biosourcé (cf Biofib) sont indéniablement porteuses de sens et d’avenir.
Nous sommes sur le bon tempo même si nous savons que le naturel revient vite au galop et que les produits du mass-market restent prédominants dans l’acte d’achat (produits de base à prix bas) conduisant la coopérative à travailler la performance pour toutes les formes d’agriculture, pour autant qu’elles soient respectueuses de l’environnement. Et ce n’est pas là, le moindre des défis.
JB : Au niveau de l’organisation du travail aussi, cette période inédite a modifié les comportements et accéléré les mutations : l’usage grandissant du numérique comme outil de communication, le télétravail… Il y aura immanquablement un avant et un après 2020 !